Le cadeau du mocassin

Les vieilles femmes appellent ça du fainéant, et j’ai toujours aimé ce mot. J’imagine que c’est simplement ainsi que nous prononçons le mot “flânerie”, mais la façon dont nous le disons vous fait penser à des fainéants, à l’usure de votre cuir pour des raisons inutiles. Les vieilles femmes aiment renifler et l’utiliser comme une condamnation. “Il n’est pas là. Il est fainéant.” Cela signifie que vous évitez le travail et la responsabilité. Pour les hommes qui mocassent, cela signifie qu’ils sont libres, libres de perdre du temps, de compter les boîtes aux lettres et de saluer d’autres hommes âgés qui, alors que le pare-chocs arrière disparaît au loin, souhaitent fainéanter aussi. Ce que l’on ne peut pas faire, c’est mocassin le cœur gros… Bill Joe lève la vitre et conduit, parfois jusqu’à la ligne Georgia. Les montagnes et les collines sont à leur plus belle beauté maintenant… les feuillus, les pins, même les mauvaises herbes prennent une luminescence qui scintillera en été, jusqu’à ce que la chaleur atténue le paysage. Mais pour l’instant, tout brille. Son coeur est léger. Sa conscience est claire.
De Le prince de grenouille

Je n’ai que 52 ans, mais j’ai été mal utilisé et mal entretenu. Je travaille depuis l’âge de 11 ans: creuser la terre, soulever des balles de foin, charger du bois à pâte. Maintenant, j’empile surtout les paragraphes les uns sur les autres, ce que je prétends être du travail, bien que personne ne me croit. Quoi qu’il en soit, il me reste au mieux quelques pages de plus en lambeaux. J’ai donc décidé de prendre ma retraite tôt.

J’avais l’habitude de dire que j’avais prévu de pêcher, mais c’est un plus gros mensonge que ce que j’ai maintenant l’énergie de dire. Le fait est que je suis le pire pêcheur de ma lignée familiale. Mon grand-père est rentré du Coosa trop ivre pour rester debout, les poches de son manteau farcies de poisson. Je ne pouvais pas attraper un poisson debout au-dessus d’une bassine d’eau sobre avec un bâton de dynamite.

Mais je peux mocasser.

Je peux marcher jusqu’à mon camion, tourner la clé et rouler. J’éviterai tout ce qui est inquiétant – ma femme, la circulation, les ordures non ramassées sous l’évier – trouverai une route de campagne qui ne mène à aucun endroit en particulier et la laissera m’y emmener. Je peux mentir et dire que je vais faire de l’exercice ou ramasser un gallon de lait écrémé haineux, dire n’importe quoi pour faire glisser les liens malsains de la maison, et errer, jusqu’à ce que l’envie de voyager disparaisse.

Vous ne connaissez peut-être pas ce mot si vous êtes né au nord de Fort Payne ou si vous êtes dans une lignée qui pense qu’un mauvais jour est une crevaison sur une autocaravane valant des millions de dollars. Je viens d’une longue lignée de fainéants, d’hommes semi-désolés qui ont disparu pendant des jours, voire des années, dans les hauts plateaux et les deltas du Grand Sud, parfois avec rien de plus que deux dollars et un briquet Zippo, des hommes magnifiques, agités esprit et une adhésion moins que rigide aux emplois, aux conjoints et à d’autres choses contraignantes.

Deux de mes grands-oncles célibataires ont passé toute leur vie dans l’échappée, de Tampa à Chattanooga, à proximité d’un train de marchandises en accélération, un étui à guitare dans une main alors qu’ils tendaient la main, pour atteindre la liberté des doigts de l’autre. Mon grand-oncle Fred a réapparu juste avant sa mort dans un bar d’université à Jacksonville, en Alabama, vêtu d’un manteau sport à carreaux et de chaussures à talons aiguilles brunes et blanches. Il finit une bière, prit un rouleau d’argent sur des collégiens à la table de billard et disparut pour la nuit. Peut-être qu’il n’a jamais laissé d’empreintes très profondes dans les sables de cette société, mais par Dieu, il en a laissé beaucoup.

J’aurais trop le mal du pays pour être comme lui, vraiment. La plupart d’entre nous ne mocassent que l’après-midi. Le soleil descendant nous renvoie chez nous devant le visage inquiet ou parfois la colère d’une femme. Peut-être même n’avons-nous pas beaucoup manqué pendant notre absence. Mais au moins, à l’occasion, quelqu’un mentira et dira que nous étions.